Les leçons de Suzanne

Ces réflexions m’ont été inspirées par ma dernière rencontre avec Suzanne Piché qui est enseignante de sciences et technologies au secondaire. Dans cette série vidéo, elle nous donne un aperçu de ce qu’elle propose à ses élèves pour leur enseigner sa matière à l’aide des outils numériques.

Commencer par des travaux simples

Quand j’ai commencé à intégrer le numérique en classe, j’ai rapidement été surpris par le peu de connaissances que les élèves avaient sur les appareils et sur les manières de les utiliser (si on exclut, évidemment, les quelques jeux auxquels ils jouaient et les plateformes de réseaux sociaux qu’ils fréquentaient). On surestime souvent la capacité naturelle des élèves à manier les outils qu’on leur propose. Il est fréquent que ce qu’ils doivent faire soit plus clair pour l’enseignant (même assez débutant) que pour eux. D’autant plus que les modalités sont différentes pour chaque enseignant. Ces modalités l’ont toujours été ; chaque élève doit s’adapter à chaque prof, mais le phénomène est accentué avec le numérique. Ce n’est pas très grave en soi, toutefois il est bien d’en tenir compte et de faire preuve de patience avec nos élèves.

Il faut commencer par leur donner des travaux simples, sans charges émotives et sans objectifs de performance. L’idéal, c’est de débuter l’année ainsi. Mais rien n’empêche de le faire en cours d’année. Tous les élèves profiteront de quelques travaux simples qui permettent de remettre les pendules numériques à l’heure. C’est aussi le moment d’aller plus loin avec eux ; de faire des tests pour voir si on peut leur donner plus d’autonomie ou leur demander des travaux plus soignés.

Quelques exemples de travaux simples :

  • Écrire leur anniversaire sur un Doc partagé ;
  • Effectuer une capture d’écran et la joindre à un devoir ;
  • Dans une Présentation partagée, mettre trois émojis qui les représentent ;
  • Prendre une photo d’une page de cahier qui était à remplir et la joindre au devoir.

Les avantages

  • Cela fait baisser l’anxiété de tout le monde (profs inclus 😉).
  • Cela permet d’en apprendre plus sur nos élèves puisque les questions ne sont pas nécessairement en lien avec notre matière. C’est une belle occasion de créer des liens.
  • Cela permet à certains élèves moins à l’aise avec les technologies numériques de rattraper le groupe.
  • Cela nous donne le temps d’apprendre comment fonctionnent nos appareils plus en profondeur.
  • Cela inculque aux élèves que les écrans peuvent aussi être des outils de travail.
  • Les élèves apprennent à harmoniser leur travail avec celui des autres pour qu’il y ait un standard commun dans la classe.

Apprendre de nos erreurs

Les enseignants passent par de multiples chemins pour envoyer les travaux. Leurs Classroom sont tous différents et ce qui est attendu des élèves aussi. Tout cela dans un contexte de mises à jour continuelles inhérent aux outils numériques qui amène les élèves et leurs enseignants à devoir agir dans un environnement mouvant. La question se pose alors : comment être parfaitement préparé ?

Combler les lacunes de notre préparation

On ne peut jamais tout prévoir, encore moins avec le numérique. Nos travaux peuvent toujours être améliorés et être adaptés au goût du jour. Accepter cet état de fait est libérateur. L’important est d’entretenir constamment la communication avec les élèves. Comme elle l’explique dans la vidéo, Suzanne n’hésite pas à tester avec un groupe et à s’adapter pour le prochain ; à raffiner ce qu’elle avait mis en place. C’est le contenu qui est important et non l’exécution parfaite.

Il faut susciter les questions en lien avec les outils numériques et non les fuir. C’est souvent une erreur de craindre ce genre de questions. Les plateformes évoluent toujours. On peut oublier l’idée de tout savoir ; où pire, l’idée de faire semblant de tout savoir devant les élèves. On peut en profiter pour mettre de l’avant les élèves qui sont plus à l’aise ou qui possèdent une astuce à partager.

On en revient à l’idée de se pratiquer avec des travaux très simples, pour faire baisser notre anxiété d’enseignant et ne pas ajouter trop de questionnements techniques pour mettre l’essentiel de notre énergie sur l’enseignement de notre matière.

Mieux communiquer avec les élèves.

« Je veux que ce soit le moyen de communication ; pas seulement le moyen de distribution. »

– Suzanne Piché

La communication efficace est le meilleur moyen d’atteindre son but en enseignant avec le numérique.
On peut multiplier par beaucoup la quantité d’échanges avec les élèves pour un seul travail.
Les questions sont d’abord techniques, mais on tombe vite dans la matière une fois que les canaux de communication sont établis.

Les avantages 

  • Aucun élève n’est laissé derrière.
  • La rétroaction se fait en continu tout au long de l’activité.
  • On développe un meilleur lien avec les élèves.
  • On comble plus facilement les lacunes de notre préparation.
  • Cette fois encore, l’anxiété de toute la classe baisse.
  • En se faisant un devoir de toujours répondre, on modélise une attitude judicieuse de la communication.
  • Les élèves ne peuvent plus se défiler (on évite les excuses de problèmes techniques).
  • On rend nos élèves plus autonomes et responsables.

Ça demande de l’adaptation à l’enseignant. On n’est pas habitué à correspondre autant avec les élèves et ça peut apparaître d’abord comme un surplus de tâche. Mais quand on y pense, si on veut entretenir de bons liens avec chacun de nos élèves, il faut bien commencer par bâtir des ponts de communication. Et les outils numériques excellent dans ce domaine. Un peu trop parfois…

Les travaux de sorties (exit tickets) améliorent nos cours avec le numérique

Si on demande ce qui est retenu du cours en Questions dans Classroom ou dans un Formulaire :

  • On a le moyen de voir si un seul élément est plus présent que les autres dans l’ensemble des réponses ou si un ensemble varié de choses a marqué les élèves.
  • On se retrouve avec beaucoup de réponses avec lesquelles on peut interagir au besoin (si un élève a retenu un fait erroné, par exemple).
  • On peut donner l’option aux élèves de voir les réponses des autres (cela peut faire office de révision).
  • De toute façon, on peut réutiliser ces réponses au cours suivant pour faire un retour sur la matière du cours précédent. Cela nous donne une excellente amorce.
  • C’est une occasion de réajuster la matière de son cours pour le suivant (on tient compte des commentaires des élèves). Nos cours avec le numérique sont donc toujours en train de s’améliorer.

À la recherche de l’élève discret

Les outils numériques permettent une collaboration inédite en éducation. On peut recueillir les réponses des élèves plus rapidement que jamais et les utiliser tout au long d’une leçon plutôt que seulement par la suite. Notamment, les élèves qui ne lèvent jamais la main prennent plus fréquemment la parole. Ils sont souvent mieux servis avec le numérique puisqu’ils ont moins d’anxiété. Ils ne se prononcent plus devant le groupe, mais avec lui.

Aussi, le fait de voir les autres travailler grâce aux outils collaboratifs a souvent pour effet de réduire l’anxiété de performance. L’élève qui est inquiet de son potentiel devant une tâche imagine souvent tous les autres en train de performer. Ne voyant pas ce que ses collègues sont en train de produire comme travail, il se fait une idée biaisée par rapport à la réalité. Il pense que ses collègues font des travaux exceptionnels au moment où lui-même peine à mettre ses idées en place. Le fait d’avoir un aperçu du travail des autres évite ce phénomène. Les élèves peuvent à tout moment s’inspirer du travail de leurs pairs. Il est alors plus facile d’avoir des idées. Il y a aussi un phénomène important d’émulation qui se crée.

Travailler ensemble nous unit

Les tâches numériques peuvent apporter une cohésion dans la classe. Par exemple, quand je donne des formations à un groupe d’adultes qui ne se connaissent pas, je leur fais souvent passer un Quizlet live. Tous les participants sont alors obligés de collaborer pour répondre aux questions que je pose. L’atmosphère est ensuite nettement plus décontractée. Les enseignants participent plus et collaborent mieux.

Le même phénomène peut être reproduit dans une classe. Des élèves habitués à collaborer constitueront un groupe plus uni. Ils auront tendance à briser le chacun pour soi et à partager leurs astuces à l’aide des outils numériques.

C’est l’élève qui travaille plus que nous

« En construisant le matériel, penser à ce que les élèves vont faire et non à ce que j’ai à dire. »

– Suzanne Piché

On voit dans la vidéo que Suzanne pense maintenant à ce que les élèves auront à dire, sur une diapositive par exemple, plutôt qu’à y illustrer toute la matière qu’elle veut transmettre. De plus en plus, ce sont les élèves qui prennent la parole (ou le clavier) pour faire émerger la connaissance qu’elle veut transmettre — avec les réponses de toute la classe. L’idée est de rassembler les idées des élèves pour faire émerger la connaissance. Il vaut mieux se poser des questions pendant l’apprentissage plutôt que seulement après. L’apprentissage actif est plus difficile et demande plus d’implication des élèves, mais il est significativement plus efficace. Et si on en croit l’expérience de Suzanne, les élèves sont impliqués comme jamais.

Plus on transfère de responsabilités aux élèves, plus ils apprennent et plus l’enseignant peut plonger dans le numérique sans être un expert des outils qu’il utilise. Je dis souvent aux enseignants qui débutent avec le numérique en classe de se concentrer sur leurs instructions et leurs critères de réussite et de laisser leurs élèves se débrouiller à produire le résultat.

Par exemple, si on veut travailler l’atome. Au lieu de créer un document numérique (qui nécessite une mise en page qui peut être complexe) et d’y ajouter des questions (qui seront les mêmes pour toute la classe), il est plus simple de demander aux élèves de nous présenter et d’analyser un certain nombre d’atomes selon une série de critères. On évite ainsi une bonne partie des possibilités de plagiat, on demande à l’élève de faire preuve d’analyse et de créativité. C’est lui qui travaille et qui multiplie ses occasions d’apprendre et de retenir la matière du cours.

Dans cette vidéo, Suzanne nous montre comment elle s’y prend et comment elle utilise souvent Pear Deck pour arriver à ses fins.

Apprendre aux élèves que ce n’est pas fini en appuyant sur Rendre.

« Quand c’est fini, ça recommence. »
– Léo Ferré

Quand les élèves nous rendent un travail, Classroom nous permet facilement de le consulter, de le commenter et de le leur retourner. On évite ainsi le travail vite fait. Ou plutôt, on n’y échappe pas complètement, mais on le combat. Avec cette manière de fonctionner, l’élève reçoit sa note quand il atteint nos critères. Les tâches des élèves alternent de statut entre Attribués et Remis jusqu’à ce que les travaux soient adéquats, qu’on les note et qu’ils soient alors Rendus. Cette note peut être presque symbolique (1/1), néanmoins retenez que, pour que ces allers-retours fonctionnent, les tâches doivent avoir une note.

Les travaux numériques sont ainsi plus peaufinés que les travaux papier. Comme il est plus facile de faire des allers-retours et de modifier les activités numériques, il est avantageux de demander aux élèves de parachever leurs travaux. Les dates de remise deviennent alors plus des points de repère que des échéances fermes.

Cela permet :

  • De corriger les erreurs ;
  • D’ajouter ou retrancher du contenu ;
  • D’aller chercher les élèves qui ne corrigeaient pas auparavant et qui se contentaient d’un travail moyen ;
  • D’améliorer la qualité de présentation générale des travaux remis.

Paradoxalement, cela finit par enlever de la correction puisqu’une majorité d’élèves se retrouvent avec un travail de qualité. Suzanne nous explique cela en détails dans cette dernière vidéo.

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